Manager un senior

chef seulNégociation des « contrats de génération » ou élaboration de plans d’actions, passé un certain seuil les entreprises doivent s’engager en faveur du maintien dans l’emploi ou le recrutement des seniors. Au-delà des mesures qu’elles ont à choisir parmi plusieurs domaines, elles sont surtout confrontées à la difficulté pour les managers les plus jeunes à trouver un management quotidien adapté aux seniors.

Il existe plusieurs définitions du terme « senior ».

Nous nous référerons à celle de l’INSEE : personnes de 50 ans, ou celle utilisée dans le monde du travail : personnes en milieu de carrière et au-delà.

Problématiques constatées par les « jeunes » managers de « seniors »

Quatre grands types de décalage entre ces deux catégories de population ont été mesurés (liste non exhaustive)

Décalage constaté  Constat
 L’aspect morphologique Il est important de veiller à la moindre pénibilité possible des postes de travail, de moins en moins supportables. Les biorythmes, entre autres circadiens, se modifient également avec l’âge. La pression sur les délais devient facteur de tension, la réactivité diminue après 55 ans selon les statistiques.
 L’adaptation aux nouvelles méthodes, process et nouvelles technologies Souvent source de stress, voire d’angoisse pour certains seniors, même si quelques-uns, à l’inverse, y excellent. Reconnaissons que depuis 10 ou 15 ans, les deux ont pris une place prépondérante dans le monde économique, et les plus jeunes y sont parfaitement adaptés puisque « nés avec ».
La mobilité  S’il est aisé à 30 ans de passer de poste en poste au fil de nos ambitions et des opportunités, si les déplacements professionnels peuvent être plaisants, cette « gymnastique » amène avec l’âge fatigue et stress pour la plupart des seniors, qui ont besoin sur le plan physiologique comme psychologique d’une certaine sécurité territoriale.
Les différences comportementales Le langage SMS, la recherche d’équilibre vies privée/professionnelle, la connexion permanente à Internet et aux réseaux sociaux, phénomènes reconnus chez la génération appelée par les sociologues X et Y, est une culture radicalement différente de celle des générations précédentes et génère souvent des incompréhensions mutuelles, des tensions voire des conflits exacerbés par une relation hiérarchisée.

Situation 1 : votre collaborateur senior a occupé divers postes dans l’entreprise

Pour vous, c’est une vraie pépite : il connaît non seulement le système dans lequel vous intervenez (votre direction, pôle, service) mais aussi l’ensemble de la société qui vous emploie. Si vous vous en faites un allié, il pourra vous éviter bien des erreurs, vous aider à mieux connaître et comprendre les « rouages de la machine ». Il connaît l’historique de la maison, sait quels projets ont abouti, lesquels ont été abandonnés ou n’ont pas fonctionné, et pourquoi. Il a sans doute nourri des relations, s’est construit un réseau interne (sociogramme) et externe (partenaires, fournisseurs, clients) qui peuvent vous être utiles. Apprivoisez-le !

Le risque est qu’il ait des difficultés à être dirigé par une personne « qui a l’âge d’être son fils ou sa fille et qui sort de l’école ». Mais le plus gros risque est que vous, vous ayez de la difficulté à gérer une relation hiérarchique avec quelqu’un de l’âge de vos parents, si vous êtes très jeune et managez depuis peu.

Quelques pistes : regardez le parcours, les connaissances de votre collaborateur. Faites le parler de son vécu professionnel, intéressez-vous à lui, à son histoire dans l’entreprise. Montrez-lui que vous reconnaissez l’homme ou la femme d’expérience derrière le senior. N’hésitez pas à lui parler d’égal à égal, voire à lui demander, non pas conseil, mais son avis sur des sujets ou projets que vous avez à gérer.

Confiez-lui des responsabilités, déléguez-lui une partie de vos tâches ou missions lorsque cela est possible, parlez de lui et nommez-lui les qualités que vous appréciez le plus chez lui. Et bien entendu, vous lui proposerez de transmettre ses savoirs, savoir-faire et savoir être auprès de ses collègues, en l’aidant à les formaliser et éventuellement dans le cadre des tutorats prévus par les accords.

En cas de difficultés, si vous devez réagir face à des dysfonctionnements de sa part, veillez à rester dans une posture adulte-adulte pour éviter une relation parent-enfant – notions de l’analyse transactionnelle – qui nuirait à la qualité de votre management. Montrez votre autorité avec calme, sourire et fermeté : sans chercher à « prouver » au senior que vous avez raison ou que le chef, c’est vous, ce qui ne servirait qu’à vous rassurer vous-même et génèrerait d’inutiles tensions.

Situation 2 : votre collaborateur occupe ce poste depuis le début de sa vie professionnelle

Cette situation présente elle aussi des avantages : cette personne a vu l’évolution de votre unité, elle sait de façon très précise comment elle fonctionne et peut vous alerter sur les écueils possibles, les facilités et ressources internes et externes. Elle aussi connaît bien l’ensemble de l’entreprise et les interactions avec l’environnement extérieur.

Là aussi, lui montrer des signes de reconnaissance conditionnels sur la qualité de son travail ou de ses comportements professionnels facilitera votre relation.

Nous risquons également de rencontrer ici un décalage culturel fort entre quelqu’un qui a fait sa carrière au même poste (et a sans doute construit quelques habitudes), et quelqu’un que les conditions du marché amène à une mobilité forte, une adaptabilité rapide et une réactivité permanente. Dissociez mobilité et efficacité et rappelez-vous qu’autrefois les salariés faisaient toute leur carrière au même endroit, après un recrutement familial qui de nos jours passerait pour du népotisme. Veillez à ce que votre collaborateur senior remplisse les obligations qui lui sont faites, mais rappelez-vous que le corps humain a des biorythmes qui évoluent avec l’âge : ses pointes d’efficacité ne s’expriment pas forcément aux mêmes heures que la vôtres.

Si vous voulez remettre en cause des habitudes installées, interrogez votre collaborateur sur le « comment » plutôt que le « pourquoi », cherchez à comprendre ses motivations à procéder ainsi, faites ensemble un tableau avantages/inconvénients de la méthode, et demandez-lui de proposer plusieurs autres options plutôt que de lui en imposer de facto une seule : il verra de lui-même les limites de sa pratique et peut devenir force de proposition en renforçant son autonomie.

Situation 3 : votre collaborateur a été recruté récemment

Surtout s’il est resté un moment sans emploi, il aura besoin de temps pour retrouver le rythme de travail attendu et s’adapter à son nouveau poste, faites preuve de patience et d’écoute. Soyez bienveillant, sans complaisance.

Là aussi, vous aurez besoin de connaître son histoire professionnelle, de savoir les postes occupés précédemment, ses réussites, ses difficultés passées : interviewez-le dès son arrivée ou lors du recrutement si vous y êtes associé.

Il est possible qu’il ait besoin davantage que d’autres de la reconnaissance de ses compétences : montrez-lui votre satisfaction, nommez-lui ses qualités professionnelles, proposez des axes de progrès plutôt que de lui faire des reproches, sollicitez son avis sur les sujets qu’il connaît, ses expériences passées. Et, surtout s’il a été recruté dans le cadre d’un poste aidé, montrez-lui que pour vous il est bien un collaborateur à part entière, qu’il a sa place dans l’équipe grâce à ses compétences et en tant que personne.

Situation 4 : votre collaborateur fera prochainement valoir ses droits à la retraite

Il va quitter un système dans lequel il évolue depuis plusieurs années pour aller vers l’inconnu : il peut tout aussi bien de désinvestir, baisser la garde quelques mois voire quelques années avant terme, comme il peut à l’inverse se surinvestir pour transmettre un maximum de choses et montrer qu’il est encore utile (voire indispensable) ou encore dire ce qu’il n’a pas su ou pas pu dire durant son activité.

En cas de désengagement, vous pouvez lui rappeler les réussites, lui montrer son utilité dans l’équipe et pour le service, lui confier des missions particulières pour le valoriser. N’hésitez pas à être gentiment exigeant avec lui, c’est aussi une façon de lui témoigner votre confiance.

Soyez vigilant si vous constatez un excès d’investissement : baroud d’honneur ou chant du cygne sont tous deux des symptômes. La retraite est une période de transition qui joue beaucoup sur l’identité (je ne suis pas que ce que je fais) et qui peut être utilement préparée par la transmission, l’équilibre de vie avant départ, la réappropriation d’un territoire (la maison, la famille) et le deuil qu’il y aura à faire de son activité professionnelle. Voyez s’il existe des accompagnements au départ dans votre société ou avec les caisses de retraites, veillez à ce que la personne ne s’épuise pas au travail, travaillez le tutorat avec elle en amont afin de prévenir le « post partum du retraité ».

Cette fiche conseil est un extrait de la solution « Management : Gérer son équipe au quotidien » des Editions Tissot.

 

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