Viktor FRANKL

Le thérapeute de la vitalité

En 1997, mourait Viktor Frankl. Son approche psychologique et psychiatrique aura révolutionné la psychothérapie. A côté de Freud, je ne suis qu’un nain, mais si un nain grimpe sur les épaules d’un géant, il voit beaucoup plus loin que lui.

Ne manquant ni d’autodérision, ni d’ambition, Viktor Frankl est né à Vienne, l’année même où son illustre prédécesseur publie Trois essais sur la théorie de la sexualité.

Formé par Freud, avec lequel il entretint une longue correspondance, le jeune Frankl, psychiatre et philosophe, devait très vite se détacher des trois écoles de Vienne – freudienne, adlérienne et jungienne – pour fonder la sienne, qu’il appellera logothérapie.

Cette pratique pose le postulat qu’il faut, avant toute chose, trouver un sens à nos actes. De retour des camps, il confiera ainsi que c’était, certes, l’espoir de revoir les siens qui lui avait permis de survivre, mais également l’envie de finir son manuscrit, publié en 1945, Du docteur et de l’âme.

Après-guerre, la logothérapie, à la fois symbole de vitalité au sens plein du terme et moyen thérapeutique, va prendre une ampleur considérable. Frankl la pratiquera, l’enseignera dans de nombreuses universités (Harvard notamment) et à travers plus de trente livres. Celui dont on aimait à souligner le caractère jovial et expansif est mort en 1997, après quatre-vingt-douze ans d’une vie qui justifie, à elle seule, sa pensée et son œuvre.

Le fondateur de la logothérapie Viktor Frankl utilise l’approche holistique d’un individu pour lui faire prendre conscience du sens de sa vie. La logothérapie diffère de la psychanalyse sur l’étiologie sexuelle des névroses et sur le problème de la religion. En effet, Frankl dénonce l’esprit de croisade contre les croyances en considérant que la névrose individuelle pourrait être l’expression d’une religion refusée.

Viktor Frankl ne considère pas que l’homme soit le jouet de ses propres pulsions. Il s’oppose aussi au béhaviorisme car l’Homme n’est pas complètement déterminé par son contexte social. En tant qu’être humain l’homme peut choisir librement sa perspective, sa position et son attitude face aux conditions intérieures et extérieures de son existence.

La logothérapie postule que tout être humain est doté d’une motivation primaire qui l’oriente vers le sens de sa vie. Aussi, le thérapeute n’est pas là pour indiquer la direction au patient mais de l’aider à reconnaître les valeurs qui l’attirent et à réaliser son entéléchie, c’est-à-dire les meilleures possibilités inscrites dans sa situation concrète.

Frankl estime qu’une des principales causes de névrose est la perte de sens. Il défend la thèse selon laquelle l’inconscient est principalement d’essence spirituelle car « lorsqu’on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s’améliore ». Au-delà de l’instinct de plaisir, la nature profonde de l’Homme le conduit vers la réalisation morale. C’est dans son expérience des camps de concentration que Frankl a développé cette interrogation sur le sens.

Trouver un sens à sa vie Là où, pour motiver nos gestes, Freud parle de désir et Adler de pouvoir, Viktor Frankl évoque le sens : « Je parle de “recherche d’un sens à la vie” par opposition au principe de plaisir sur lequel est fondée la psychanalyse freudienne, ainsi qu’à la volonté de puissance qui est au centre de la psychologie adlérienne. » (Découvrir un sens à sa vie).

Lutter contre le vide existentiel En être atteint, c’est perdre toute motivation de vivre : le vide remplace le plein de la vie. Il donne l’impression de subir une fatalité incontournable. « Le vide existentiel peut prendre plusieurs aspects, explique Frankl. La recherche d’un sens à la vie est parfois remplacée par la recherche du pouvoir, incluant sa forme la plus primitive, soit le désir de gagner toujours plus d’argent. Dans d’autres cas, c’est la recherche du plaisir qui y est substituée. C’est pourquoi la personne qui souffre de frustration existentielle essaie parfois de compenser le vide qu’elle éprouve en recherchant les plaisirs sexuels. » (Découvrir un sens à sa vie).

Aimer et rire Plusieurs portes de sortie sont offertes à celui qui lutte contre le vide existentiel. L’amour, en premier lieu. En lecteur de saint Thomas, il estime que c’est là le lien véritable qui nous unit aux autres. Le facteur d’amour est déterminant dans le maintien en vie d’un sujet. L’art également. Mais surtout, l’humour. S’il nous est impossible de modifier une situation qui ne dépend pas de nous, il nous reste la possibilité de modifier notre regard pour l’accepter. L’humour devient alors une formidable parade contre le désespoir.

Bibliographie

En français

  • Viktor E. Frankl : Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie, Éditions de l’Homme, 1988, (ISBN 2-7619-0709-4)
  • LUKAS Elisabeth « Quand la vie retrouve un sens » Pierre TEQUI 2000
  • Viktor Frankl, Georges Elia Sarfati (traduction, introduction et notes) et Vincent Lenhardt (préface), Nos raisons de vivre à l’école du sens de la vie, Paris, InterÉditions,‎ (ISBN 978-2-7296-1007-4 et 2729610073, OCLC 495323425)
    Traduction de The will to meaning foundations and applications of logotherapy (1988) (ISBN 9780452010345)
  • Le Dieu inconscient, réédité dans la version revue et augmentée, traduction de G. Ferracci, révision scientifique et notes de Georges-Elia Sarfati, Paris, InterEditions, 2012
  • Ce qui ne figure pas dans mes livres, traduction, notes et postface de Georges-Elia Sarfati, Paris, InterEditions, 2014.

En anglais

  • BULKA R (1979) The Quest for Ultimate Meaning Philosophical Library, New York
  • CRUMBAUGH J. (1973) Everything to Gain Institute of Logotherapy Press
  • FABRY J, BULKA R & SAHAKIAN W (ed) (1995) Finding Meaning in Life: Logotherapy Aronson
  • FABRY J, (1968) The Pursuit of Meaning Mercier
  • FRANKL Viktor, 1959, Man’s Search for Meaning (en), Hodder & Stoughton
  • FRANKL Viktor, 1965, The Doctor and the Soul, Alfred A. Knopf
  • FRANKL Viktor, 1967, Psychotherapy and Existentialism, Washington Square Press
  • FRANKL Viktor, 1969, The Will to Meaning, World Publishing
  • FRANKL Viktor, 1978, The Unheard Cry for Meaning Simon & Schuster
  • SEIDNER Stanley S. 2009. À Trojan Horse: Logotherapeutic Transcendence and its Secular Implications for Theology » Mater Dei Institute.
  • WONG P et FRY P, 1998, The Human Quest for Meaning LEA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.