Bien-être au travail : une affaire (aussi) de management
Bien-être au travail, lutte contre le stress, deux notions loin d’être nouvelles : depuis une quinzaine d’années, elles sont pleinement intégrées par les DRH. La nouveauté est dans la façon de les appréhender : cet élément clé de toute politique salariale réussie est devenu un levier stratégique impactant fortement les résultats économiques.
Les managers, chevilles ouvrières des transformations, sont une fois encore au cœur de ces nouveaux enjeux.
Le bien-être au travail n’est plus un simple gadget, mis en avant par les entreprises pour mieux attirer les nouveaux talents, au même titre que l’implantation d’une salle de sport ou la mise en place d’open-spaces aux couleurs acidulées. Ces dernières années, cet élément clé des ressources humaines est devenu un élément incontournable de toute politique managériale réfléchie et globale, en étant clairement identifié comme un levier potentiel de croissance et d’amélioration des résultats économiques de l’entreprise.
Bien-être au travail et performance : la complémentarité de ces deux notions ne fait plus de doute. Encore fallait-il trouver entre ces deux éléments une courroie de transmission optimale. Le changement à mettre en œuvre est de taille : la lutte contre le stress, jusqu’ici compétence exclusive des directions des ressources humaines, doit désormais être pleinement intégrée par les managers, de plus en plus attendus sur leur capacité à gérer les hommes dans des conditions d’épanouissement et de créativité optimales, c’est-à-dire : sans stress. Dans un monde du travail où 81% des cadres se disent prêts à changer d’entreprise pour fuir les tensions, le défi est de taille : le bien-être doit devenir une priorité, au même titre que le développement des plans de formation ou la promotion de la parité. Sans bien-être, point de motivation, point d’émulation, point de créativité, point d’innovation et donc point de croissance, bref : point de salut.
La clé du succès repose sur la capacité de l’entreprise à mettre en œuvre un changement fonctionnel de son organisation en créant une meilleure collaboration entre les deux pôles distincts que sont la direction des ressources humaines et la direction générale. Cela suppose de créer des espaces de réflexion communs, des passerelles, une complicité, pour que le bien-être géré par les ressources humaines et la performance défendue par la direction générale se retrouvent sur un terrain commun. Mais un tel changement d’approche ne peut se faire sans y associer étroitement les chevilles ouvrières que sont les managers. La lutte contre le stress est bel et bien devenue un élément clé de la politique managériale.
Pour illustrer le propos, point de meilleure illustration qu’un cas concret. Prenons le secteur de la sécurité, élément central, tout particulièrement dans le secteur industriel, aux répercussions psychosociales et économiques importantes. La gestion de la sécurité sur un site industriel peut générer confiance et sérénité en cas de bonne gestion. Dans le cas contraire, elle alimente immanquablement de façon considérable le stress des équipes. Il n’est rien de pire que de travailler avec un sentiment d’insécurité, véritable épée de Damoclès menaçant en permanence.
Malgré ses répercussions évidentes par effet d’escalier sur la productivité du site, et donc sur les résultats de l’entreprise, la sécurité a longtemps été reléguée à la simple mise en place de process techniques précis et stricts, imposés d’en haut aux équipes sur le terrain. Jusqu’ici, l’élaboration de ces règles n’a jamais fait la part belle au management, et force est de reconnaître aujourd’hui que ce fut une erreur. Un site industriel, désireux d’améliorer ses dispositifs, en luttant notamment de façon plus efficace contre les accidents du travail, a décidé de changer de philosophie : les dirigeants ont pris le parti d’associer les salariés à l’élaboration des règles de sécurité. L’ère du « contente-toi de respecter la procédure et tout ira pour le mieux » a cédé la place à une nouvelle approche : « la procédure, c’est bien, mais quelle est ta capacité d’initiative ? ».
Sur le terrain, les managers ont mis en œuvre cette nouvelle façon d’appréhender les choses, et les résultats sont sans appel : le site, jusqu’ici mal classé en matière de sécurité au sein de ce groupe européen, a pris la première place en seulement 3 ans. La clé du succès est d’avoir impliqué le management. Chaque collaborateur a pu donner son avis sur ce qui fonctionnait, et sur ce qui ne fonctionnait pas, formuler ses contributions au service d’une ambition simple, locale et partagée. L’objectif de cette répartition des responsabilités était de « conscientiser » les gestes métier.
Une feuille de route a été affichée sur chaque poste de travail, avec un code couleur pour mieux indiquer l’avancement des tâches et les points de blocage : un dispositif très concret, permettant d’encourager la discussion et l’émulation à tous les niveaux, entre collaborateurs, entre équipes, entre encadrés et encadrants.
Davantage responsabilisés, ayant une meilleure visibilité sur leur contribution, les agents de terrain se sont sentis plus valorisés, ont davantage fait confiance à leurs managers et dans la stratégie de l’usine. Grâce à une approche différente des visites de conformité, les chefs d’équipe ont également corrigé par eux-mêmes leur façon de travailler avec les prestataires extérieurs et augmenté leurs exigences. Résultat : une sécurité améliorée, une ambiance générale plus sereine, une meilleure de qualité de vie, profitable dans tous les sens du terme.
Cet exemple est l’illustration parfaite du formidable levier de croissance qu’est le bien-être au travail. Il montre que lutter contre le stress, c’est bien sûr améliorer la vie de ses équipes, mais que cette amélioration est loin d’être déconnectée des objectifs économiques, bien au contraire : cela impacte aussi bien la qualité des recrutements que la capacité d’innovation des salariés, leur taux d’absentéisme, le sentiment éprouvé par les équipes d’être associé au devenir de leur groupe, et, par effet domino, les résultats annuels globaux.
Cela montre aussi qu’une fois encore, les managers sont incontournables, précieux. A eux de mettre en musique la complémentarité entre bien-être et performance, à eux de montrer que ces deux éléments sont les fondations d’une aventure collective, à eux d’être les premiers ambassadeurs du changement, pour montrer que le changement justement, n’est pas seulement une nécessité : c’est aussi une formidable opportunité.
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